La commission d'enquête


Documents (via le site de La Chambre)

Explications


Le livre « L'assassinat de Lumumba », écrit par Ludo De Witte, paraît en septembre 1999 et fait un scandale en Belgique car Ludo De Witte formule l'hypothèse de la responsabilité des autorités belges de l'époque, dans la mort en janvier de Patrice Lumumba.
Suite à ce scandale, une commission d'enquête est constituée par La Chambre le 23 mars 2000. La Commission a travaillé jusqu'au 31 octobre 2001.

Missions de la Commission d'enquête

  1. Dresser un inventaire complet des faits qui ont entraîné le décès de Patrice Lumumba;
  2. Donner une description complète des éléments qui sont à l'origine du décès de Patrice Lumumba;
  3. Décrire le rôle de l'ensemble des intervenants dans la succession des faits qui ont précédé la mort de Patrice Lumumba;
  4. Donner une description précise de la manière dont Patrice Lumumba est décédé;
  5. Établir la liste de tous les services qui, de quelque manière que ce soit, ont pu intervenir et de décrire leur éventuelle implication dans ce décès;
  6. Identifier les éventuelles responsabilités;
  7. Établir les responsabilités politiques.

Rapports des experts

Première phase :

Cette première phase commence avec la mutinerie de la Force publique et l'intervention militaire belge qui s'en est suivie, début juillet, pour se terminer par la révocation du Premier Ministre Lumumba de sa charge de Premier Ministre, le 5 septembre 1960. Au cours de cette phase, le Président Kasavubu et le Premier Ministre Lumumba annoncent la rupture des relations diplomatiques avec la Belgique, sollicitent l'aide des Nations unies pour préserver l'intégrité du territoire, mise à mal par « l'agression » belge et la sécession katangaise, et font appel à l'Union soviétique. Ces événements confèrent à la crise congolaise une dimension internationale. Jusqu'au 5 septembre, on ne touche pas, ni officiellement ni formellement, au fondement du nouvel État , à savoir le chef de l'État et le Premier Ministre, qui font preuve de solidarité l'un envers l'autre. Mais les apparences peuvent être trompeuses.

Agissant via le Katanga, la Belgique essaie, au cours de cette première phase, de saper le gouvernement Lumumba. Le Katanga doit devenir le noyau d'un nouveau Congo (con)fédéral, sans le Premier Ministre Lumumba. En même temps, la Belgique soutient l'opposition qui s'affirme de plus en plus à Léopoldville. Le 18 août, le Premier ministre belge, Gaston Eyskens, adresse à Jef van Bilsen, un conseiller belge du chef de l'État congolais, le message suivant : le Président Kasavubu doit démettre le Premier Ministre Lumumba de ses fonctions.

La rupture entre le Premier Ministre Lumumba et Hammarskjöld, le Secrétaire général des Nations unies, est très lourde de conséquences. Après les décisions du Conseil des ministres congolais du 16 août, il est clair que l'un des deux doit partir. Le secrétariat général des Nations unies souhaite que le Premier Ministre Lumumba disparaisse en tant que Premier Ministre. Le 18 août, le Conseil de sécurité national des États-Unis se dit préoccupé par la situation au Congo et, plus particulièrement, par l'affaire Lumumba. Selon la haute instance américaine, le comportement du Premier Ministre Lumumba constitue une menace sérieuse aussi bien pour la paix mondiale que pour les objectifs poursuivis par les Américains en Afrique. Le chef de la CIA en infère que le Premier Ministre Lumumba doit être chassé du pouvoir par tous les moyens, « tous les moyens » signifiant ou bien par tous les moyens politiques possibles, ou bien par son élimination physique (assassinate or incapacitate), en mettant sur pied une « covert action « .

La présente partie comprend trois chapitres. Le premier donne de la crise congolaise une vision belge, et plus particulièrement la vision du gouvernement belge. Cette vision se focalise sur l'intervention militaire et la sécession katangaise. Ce chapitre présente également quelques protagonistes belges. Le deuxième chapitre décrit en détail les tentatives de déstabilisation du gouvernement Lumumba. L'accent est mis, à cet égard, sur les initiatives belges, sans toutefois négliger les interventions des États-Unis et des Nations unies. Enfin, le troisième chapitre analyse les projets d'élimination physique avant le 5 septembre 1960.

Deuxième phase :

La deuxième phase s'étend du 5 septembre au 10 octobre 1960. Destitué de sa fonction de Premier Ministre par le Président Kasavubu, le Premier Ministre Lumumba tente cependant coûte que coûte de conserver le pouvoir et entreprend une « tentative de conciliation » à l'égard du chef de l'État. L'opération de destitution est de facto largement facilitée par l'attitude des agents des Nations unies cantonnés à Léopoldville. En réalité, le conflit ne se limite plus à une affaire entre le chef de l'État et le Premier Ministre Lumumba. Le 14 septembre, le colonel Mobutu décide de les « neutraliser » tous les deux et installe un nouveau pouvoir (exécutif et législatif), à savoir le Collège des commissaires généraux, dont le mandat court jusqu'au 31 décembre. En fait, au cours de cette période, le Président Kasavubu est moins impuissant que Mobutu ne le fait croire, tandis que le Premier Ministre Lumumba peut aussi encore prendre des initiatives et empêcher la mise à exécution du mandat d'arrêt décerné à son encontre.

Au cours de cette période, une lutte acharnée oppose, d'une part, les partisans de la conciliation et, d'autre part, les autorités belges à Bruxelles — avec le nouveau ministre des Affaires africaines, Harold d'Aspremont Lynden, — et les agents belges à Brazzaville, qui s'efforcent de « neutraliser définitivement » le Premier Ministre Lumumba afin d'éviter qu'il reprenne le pouvoir. Au cours de cette lutte, de nouvelles personnalités apparaissent sur le devant de la scène et des changements interviennent dans les motifs, les objectifs et les moyens. Le démêlage de cet imbroglio d'opérations menées contre le Premier Ministre Lumumba constitue, pour les experts, l'une des missions les plus difficiles et les plus périlleuses qui soient. Dans de tels cas, les sources écrites contiennent généralement des formules « euphémiques » ou des termes difficiles à décoder.

Troisième phase : de la résidence surveillée et menacée à l'arrestation et l'incarcération du Premier Ministre Lumumba

Du 10 octobre au 27 novembre 1960, le Premier Ministre Lumumba doit vivre à Léopoldville dans sa résidence gardée, encerclée par des éléments de l'Armée nationale congolaise (ANC) qui ont instruction de le capturer s'il tentait une sortie et par des militaires de l'ONU chargés d'empêcher des accès « douteux » ou dangereux à la résidence. Ceux-ci ne se produisent pas mais les projets, les tentatives n'ont pas manqué : ils n'étaient pas d'origine exclusivement belge ni, même si « secrets », des émanations d'organes officiels congolais, américains ou belges. La Commission fait référence ici au tueur à gages « Georges », envoyé par de particuliers belges au Congo dans la première moitié de novembre. Pour des raisons pratiques la commission analyse cette épisode dans la partie sur la deuxième phase.

Au tere de cette troisième phase se situe la tentative de le Premier Ministre Lumumba de rejoindre ses partisans à Stanleyville via le Kwilu et le Kasaï. C'est un échec dont l'agent de sécurité Gilbert Pongo est moins l'acteur principal que le bénéficiaire (très provisoire) en termes de notoriété. Qui a contribué réellement à l'échec ? Qui a, le 2 décembre, conseillé à Pongo de procéder immédiatement au transfert de le Premier Ministre Lumumba au Katanga où il serait jugé pour délits ou crimes de droits commun ? Non suivie, cette suggestion n'était pas fondée sur rien. La sûreté belge de Brazza crut — même après l'incarcération au Camp Hardy de Thysville — que celle-ci serait brève, et qu'elle serait bientôt suivie par un transfert au Katanga.

Quatrième phase : le transfert et la mort du Premier Ministre Lumumba

La quatrième phase est celle qui, de fin décembre 1960 au 17 janvier 1961, reste placée sous le signe des tractations sur le transfert du Premier Ministre Lumumba (à Boma ? à Bakwanga ? à Élisabethville ?), puis sous celui de la mort au Katanga, quarante jours après que le Président Kasavubu, reconnu par l'Assemblée générale de l'ONU comme la seule autorité légitime de l'État congolais, eut écrit à Hammarskjöld : Ce sera notre principal souci demain de veiller à ce que le pouvoir judiciaire puisse mener le procès de Patrice Lumumba suivant les règles en vigueur dans tous les pays civilisés.

Cette phase est aussi celle dans le cadre de laquelle se posent les questions les plus sensibles, mettant en cause les plus hautes autorités à Léopoldville et Élisabethville, les Belges opérant sur place à leur service, le ministre des Affaires africaines à Bruxelles et ses collaborateurs. Des réponses doivent être données à ces questions, au moins à celles qui se posent pour la période précédant la présence physique des trois détenus à la maison Brouwez à Élisabethville.

– Qui a donné instruction d'opérer le transfert du Camp Hardy vers une autre « province » congolaise ? Qui furent les exécutants (belges et congolais) de cet ordre écrit ?

– Dans quel contexte, dans quelles perspectives de politique congolaise, ce télex du ministre d'Aspremont Lynden, daté du 16 janvier 1961, fut-il adressé au consulat belge d'Élisabethville, à destination de Moïse Tshombe ? Ce télex a-t-il joué un rôle (et lequel ?) dans l'issue fatale et finale du 17 janvier ?

Ces questions, ainsi que d'autres, nous contraignent dans cette quatrième partie à procéder à une analyse minutieuse des sources disponibles. À cette occasion, nous confronterons de temps à autre nos constatations avec les opinions de Brassinne et de De Witte, qui ont défendu à ce sujet des points de vue controversés.

Le rapport traite encore de nombreux sujets tels que